vendredi 26 décembre 2014

L'identité de femme est morcelée.

Prise dans le flot d'une aventure plus grande qu'elle, quelques photos improvisées...

























dimanche 8 juin 2014

Random thought.

Le drame de ma vie est que je l'ai jusqu'ici passée à être persuadée moins valoir que ce que le bon sens voudrait... Dans l'époque "égocentrée" où nous nous trouvons, cela aurait pu être l'expression d'une belle humilité sans conséquence, si mon parcours n'avait été jonché de personnes à l'inverse persuadées valoir bien plus que ce qu'il fallait..

vendredi 4 avril 2014

Les Grandes Espérances, ou Pour enfin en finir avec l'Amour (en cours)

La Grande Idéaliste aux tirades d'un débit inaltérable et d'un flot ininterrompu que je suis se et vous devait de se poser un moment et d'exprimer, enfin, tout ce qu'il faut savoir pour en finir avec l'amour.

Alors même que ce sujet (mais peut-on encore parler de "sujet"?) a donné naissance aux plus belles oeuvres musicales, représentatives, cinématographiques, littéraires, philosophiques et j'en passe, à toute les époques, même quand le mariage était le fruit d'une union sociale où l'amour n'avait pas sa place, la question de l'engagement amoureux et charnel voué exclusivement à un seul être demeure.

A l'heure où les mariages et les relations se font et se défont en moins de temps qu'il ne faut pour écrire ce billet, le sens commun nous invite à considérer deux options :

Le mariage-sacrifice, où l'on s'engage dans une relation sécurisée au prix de sa liberté et de son épanouissement personnel. Dans ce contexte, tromper est vu comme un sacrilège puni au mieux par la rupture et au pire par la mort sociale (rupture avec les amis communs, réputation entachée...)  même si la plupart le font en douce pour parfois s'échapper un peu...

Ou

Les aventures débridées dominées par un sentiment de cynisme et de résignation face à cette triste réalité, la fameuse real politic à laquelle il faut s'adapter... Ici, on a "compris" (comprenez "intégré) que les histoires d'amour exclusives et idéalistes sont vouées à l'échec et on enchaîne les aventures mêlées d'éther et d'éthanol ou bien, et j'ai entendu ça avec un sourire jaune, on décide qu'on donne le droit de tromper dans le couple, mais alors, heu, hein, que un soir de temps en temps hein, pas question de relation sur la durée... sinon on se fâche tout rouge.

Bon. Cette désespérance ne suffit bien évidemment pas à notre esprit assoifé de conquête et, à l'aube de nos 30 ans, on veut aussi croire à l'aube de temps différents et nouveaux, là où nos amis ont choisi entre une alternative ou l'autre. Nous voulons créer notre propre Destin, hors de ces conditionnements.

Qu'est ce qu'un amour véritable sinon deux individus libres, autonomes et indépendants qui se choisissent et se chérissent dans cette même liberté ? Nous disons que tout choix hors du domaine de ce qu'on ressent être la liberté est une petite mort de soi.

Forts de ce postulat, nous pouvons donner de nouvelles courbes (sensuelles ?) aux notions de Bien et de Mal. Il n'y a pas à juger les personnes par rapport à des situations, mais par rapport à elles-mêmes.

Dans Jules et Jim, Truffaut arrive à nous conter une situation a priori "laide" en la rendant majestueusement belle. Il nous fait rêver et aimer chacun des personnages car chacun est porté par des sentiments mêlés de désir et de passion dans le rêve commun d'un amour libéré des chaînes de toute contrainte morale.
Dans Match Point, par contre, on se prend à haïr le personnage principal qui a fait "un choix de raison" en sacrifiant la femme objet de sa passion sur l'autel du standing... pas de rêve au sens large dans cette histoire, juste l'envie d'être riche et confortablement établi dans ce qu'on pourrait au mieux nommer l'instinct de survie...












jeudi 20 mars 2014

Ôde à l'Amour

J'ai passé la première partie de ma vie à subir une violence qui n'était pas la mienne et ai passé la seconde à attendre d'exister dans le regard d'autrui. Je pensais qu'en faisant plaisir, ça marcherait. Malheureusement, j'attendais trop, trop vite et souffrais du fait que les personnes en qui je plaçais mon affection ne respectaient pas forcément leur parole. Jusqu'à présent, concevoir les relations humaines autrement que dans le respect des diverses paroles et engagements ainsi que dans la dévotion totale des uns aux autres me semblait impossible.

Aujourd'hui je me rends compte, après multiples errements, que je me suis fourvoyée. Alors que je poursuivais vainement l'affection des uns et des autres, en réalité le but n'était pas d'atteindre ces affections, mais la réalisation d'un rêve.

What is any life if not the pursuit of a dream ?

En réalité, les relations humaines ne se construisent pas dans la dévotion et l'engagement.
En réalité, ce sont des existences qui s'entrechoquent et trouvent des terrains d'entente dans une tension affective plus ou moins permanente.
Bien que nous soyons tous interconnectés, chacun est indépendant et l'Être, bien qu'assoiffé d'amour - quel que soit le sens de ce mot - ou de reconnaissance, est furieusement libre. Je me suis privée de cette liberté pendant de nombreuses années en attendant des autres qu'ils fassent de même.

Benjamin est venu dans ma vie comme une lumière vive réparatrice.

Alors que je me perdais, exsangue, dans la quête chimérique d'attention et les abus en tout genre, il m'a révélée à moi-même sans même le savoir. En étant le premier à s'engager et se dévouer totalement pour moi comme ce que j'attendais depuis si longtemps, il m'a tout remis en perspective.

Ce que je poursuivais à tort chez les autres, c'était une quête de Justice et de Générosité.
C'est ça, mon rêve. C'est ce que je me dois de construire dans ma vie professionnelle et sociale à venir. C'est quelque chose de personnel.

Ce sont des Idéaux qui, pendant près de 30 ans, m'ont tour à tour dévorée et donné de la valeur.

In medio stat virtus.

dimanche 16 mars 2014

Aymerillot

Le Mariage de RolandVictor Hugo — La Légende des siècles
Première série
IV
Le Cycle héroïque chrétien

III
Aymerillot
Bivar



Charlemagne, empereur à la barbe fleurie,
Revient d’Espagne ; il a le cœur triste, il s’écrie :
« Roncevaux ! Roncevaux ! ô traître Ganelon ! »
Car son neveu Roland est mort dans ce vallon
Avec les douze pairs et toute son armée.
Le laboureur des monts qui vit sous la ramée
Est rentré chez lui, grave et calme, avec son chien ;
Il a baisé sa femme au front, et dit : « C’est bien. »
Il a lavé sa trompe et son arc aux fontaines ;
Et les os des héros blanchissent dans les plaines.

Le bon roi Charle est plein de douleur et d’ennui ;
Son cheval syrien est triste comme lui.
Il pleure ; l’empereur pleure de la souffrance
D’avoir perdu ses preux, ses douze pairs de France,
Ses meilleurs chevaliers qui n’étaient jamais las,
Et son neveu Roland, et la bataille, hélas !
Et surtout de songer, lui, vainqueur des Espagnes,
Qu’on fera des chansons dans toutes ces montagnes
Sur ses guerriers tombés devant des paysans,
Et qu’on en parlera plus de quatre cents ans !

Cependant, il chemine ; au bout de trois journées
Il arrive au sommet des hautes Pyrénées.
Là, dans l’espace immense il regarde en rêvant ;
Et sur une montagne, au loin, et bien avant
Dans les terres, il voit une ville très forte,
Ceinte de murs avec deux tours à chaque porte.
Elle offre à qui la voit ainsi dans le lointain
Trente maîtresses tours avec des toits d’étain
Et des mâchicoulis de forme sarrasine
Encor tout ruisselants de poix et de résine.
Au centre est un donjon si beau, qu’en vérité,
On ne le peindrait pas dans tout un jour d’été.
Ses créneaux sont scellés de plomb ; chaque embrasure
Cache un archer dont l’œil toujours guette et mesure ;
Ses gargouilles font peur ; à son faîte vermeil
Rayonne un diamant gros comme le soleil,
Qu’on ne peut regarder fixement de trois lieues.

Sur la gauche est la mer aux grandes ondes bleues
Qui, jusqu’à cette ville, apporte ses dromons.

Charle, en voyant ces tours, tressaille sur les monts.

« Mon sage conseiller, Naymes, duc de Bavière,
Quelle est cette cité près de cette rivière ?
Qui la tient la peut dire unique sous les cieux.
Or, je suis triste, et c’est le cas d’être joyeux.
Oui, dussé-je rester quatorze ans dans ces plaines,
Ô gens de guerre, archers, compagnons, capitaines,
Mes enfants ! mes lions ! saint Denis m’est témoin
Que j’aurai cette ville avant d’aller plus loin ! »

Le vieux Naymes frissonne à ce qu’il vient d’entendre.

« Alors, achetez-la, car nul ne peut la prendre.
Elle a pour se défendre, outre ses béarnais,
Vingt mille turcs ayant chacun double harnais.
Quant à nous, autrefois, c’est vrai, nous triomphâmes ;
Mais, aujourd’hui, vos preux ne valent pas des femmes,
Ils sont tous harassés et du gîte envieux,
Et je suis le moins las, moi qui suis le plus vieux.
Sire, je parle franc et je ne farde guère.
D’ailleurs, nous n’avons point de machines de guerre ;
Les chevaux sont rendus, les gens rassasiés ;
Je trouve qu’il est temps que vous vous reposiez,
Et je dis qu’il faut être aussi fou que vous l’êtes
Pour attaquer ces tours avec des arbalètes. »

L’empereur répondit au duc avec bonté :
« Duc, tu ne m’as pas dit le nom de la cité ?

— On peut bien oublier quelque chose à mon âge.
Mais, sire, ayez pitié de votre baronnage ;
Nous voulons nos foyers, nos logis, nos amours.
C’est ne jouir jamais que conquérir toujours.
Nous venons d’attaquer bien des provinces, sire.
Et nous en avons pris de quoi doubler l’empire.
Ces assiégés riraient de vous du haut des tours.
Ils ont, pour recevoir sûrement des secours
Si quelque insensé vient heurter leurs citadelles,
Trois souterrains creusés par les turcs infidèles,
Et qui vont, le premier, dans le val de Bastan,
Le second, à Bordeaux, le dernier, chez Satan. »

L’empereur, souriant, reprit d’un air tranquille :
« Duc, tu ne m’as pas dit le nom de cette ville ?

— C’est Narbonne.

— Narbonne est belle, dit le roi,
Et je l’aurai ; je n’ai jamais vu, sur ma foi,
Ces belles filles-là sans leur rire au passage,
Et me piquer un peu les doigts à leur corsage. »

Alors, voyant passer un comte de haut lieu,
Et qu’on appelait Dreus de Montdidier : « Pardieu !
Comte, ce bon duc Nayme expire de vieillesse !
Mais vous, ami, prenez Narbonne, et je vous laisse
Tout le pays d’ici jusques à Montpellier ;
Car vous êtes le fils d’un gentil chevalier ;
Votre oncle, que j’estime, était abbé de Chelles ;
Vous même êtes vaillant ; donc, beau sire, aux échelles !
L’assaut !

 — Sire empereur, répondit Montdidier,
Je ne suis désormais bon qu’à congédier ;
J’ai trop porté haubert, maillot, casque et salade ;
J’ai besoin de mon lit, car je suis fort malade ;
J’ai la fièvre ; un ulcère aux jambes m’est venu ;
Et voilà plus d’un an que je n’ai couché nu.
Gardez tout ce pays, car je n’en ai que faire. »

L’empereur ne montra ni trouble ni colère.
Il chercha du regard Hugo de Cotentin.
Ce seigneur était brave et comte palatin.

« Hugues, dit-il, je suis aise de vous apprendre
Que Narbonne est à vous ; vous n’avez qu’à la prendre. »

Hugo de Cotentin salua l’empereur.

« Sire, c’est un manant heureux qu’un laboureur !
Le drôle gratte un peu la terre brune ou rouge,
Et, quand sa tâche est faite, il rentre dans son bouge.
Moi, j’ai vaincu Tryphon, Thessalus, Gaïffer ;
Par le chaud, par le froid, je suis vêtu de fer ;
Au point du jour, j’entends le clairon pour antienne ;
Je n’ai plus à ma selle une boucle qui tienne ;
Voilà longtemps que j’ai pour unique destin
De m’endormir fort tard pour m’éveiller matin,
De recevoir des coups pour vous et pour les vôtres.
Je suis très-fatigué. Donnez Narbonne à d’autres. »

Le roi laissa tomber sa tête sur son sein.
Chacun songeait, poussant du coude son voisin.
Pourtant Charle, appelant Richer de Normandie :
« Vous êtes grand seigneur et de race hardie,
Duc ; ne voudrez-vous pas prendre Narbonne un peu ?

— Empereur, je suis duc par la grâce de Dieu.
Ces aventures-là vont aux gens de fortune.
Quand on a ma duché, roi Charle, on n’en veut qu’une. »

L’empereur se tourna vers le comte de Gand :

« Tu mis jadis à bas Maugiron le brigand.
Le jour où tu naquis sur la plage marine,
L’audace avec le souffle entra dans ta poitrine :
Bavon, ta mère était de fort bonne maison ;
Jamais on ne t’a fait choir que par trahison ;
Ton âme après la chute était encor meilleure.
Je me rappellerai jusqu’à ma dernière heure
L’air joyeux qui parut dans ton œil hasardeux,
Un jour que nous étions en marche seuls tous deux,
Et que nous entendions dans les plaines voisines
Le cliquetis confus des lances sarrasines.
Le péril fut toujours de toi bien accueilli,
Comte ; eh bien, prends Narbonne, et je t’en fais bailli.

— Sire, dit le Gantois, je voudrais être en Flandre.
J’ai faim, mes gens ont faim ; nous venons d’entreprendre
Une guerre à travers un pays endiablé ;
Nous y mangions, au lieu de farine de blé,
Des rats et des souris, et, pour toutes ribotes,
Nous avons dévoré beaucoup de vieilles bottes.
Et puis votre soleil d’Espagne m’a hâlé
Tellement, que je suis tout noir et tout brûlé ;
Et, quand je reviendrai de ce ciel insalubre
Dans ma ville de Gand avec ce front lugubre,
Ma femme, qui déjà peut-être a quelque amant,
Me prendra pour un maure et non pour un flamand !
J’ai hâte d’aller voir là-bas ce qui se passe.
Quand vous me donneriez, pour prendre cette place,
Tout l’or de Salomon et tout l’or de Pépin,
Non ! je m’en vais en Flandre, où l’on mange du pain.

— Ces bons flamands, dit Charle, il faut que cela mange ! »

Il reprit :

 « Ça, je suis stupide. Il est étrange
Que je cherche un preneur de ville, ayant ici
Mon vieil oiseau de proie, Eustache de Nancy.
Eustache, à moi ! Tu vois, cette Narbonne est rude ;
Elle a trente châteaux, trois fossés, et l’air prude ;
À chaque porte un camp, et, pardieu ! j’oubliais,
Là-bas, six grosses tours en pierre de liais.
Ces douves-là nous font parfois si grise mine
Qu’il faut recommencer à l’heure où l’on termine,
Et que, la ville prise, on échoue au donjon.
Mais qu’importe ! es-tu pas le grand aigle ?

— Un pigeon,
Un moineau, dit Eustache, un pinson dans la haie !
Roi, je me sauve au nid. Mes gens veulent leur paye ;
Or, je n’ai pas le sou ; sur ce, pas un garçon
Qui me fasse crédit d’un coup d’estramaçon ;
Leurs yeux me donneront à peine une étincelle
Par sequin qu’ils verront sortir de l’escarcelle.
Tas de gueux ! Quant à moi, je suis très-ennuyé ;
Mon vieux poing tout sanglant n’est jamais essuyé ;
Je suis moulu. Car, sire, on s’échine à la guerre ;
On arrive à haïr ce qu’on aimait naguère,
Le danger qu’on voyait tout rose, on le voit noir ;
On s’use, on se disloque, on finit par avoir
La goutte aux reins, l’entorse aux pieds, aux mains l’ampoule,
Si bien, qu’étant parti vautour, on revient poule.
Je désire un bonnet de nuit. Foin du cimier !
J’ai tant de gloire, ô roi, que j’aspire au fumier. »

Le bon cheval du roi frappait du pied la terre
Comme s’il comprenait ; sur le mont solitaire
Les nuages passaient. Gérard de Roussillon
Était à quelques pas avec son bataillon ;
Charlemagne en riant vint à lui.

« Vaillant homme,
Vous êtes dur et fort comme un Romain de Rome ;
Vous empoignez le pieu sans regarder aux clous ;
Gentilhomme de bien, cette ville est à vous ! »

Gérard de Roussillon regarda d’un air sombre
Son vieux gilet de fer rouillé, le petit nombre
De ses soldats marchant tristement devant eux,
Sa bannière trouée et son cheval boiteux.

« Tu rêves, dit le roi, comme un clerc en Sorbonne.
Faut-il donc tant songer pour accepter Narbonne ?

— Roi, dit Gérard, merci, j’ai des terres ailleurs. »

Voilà comme parlaient tous ces fiers batailleurs
Pendant que les torrents mugissaient sous les chênes.

L’empereur fit le tour de tous ses capitaines ;
Il appela les plus hardis, les plus fougueux,
Eudes, roi de Bourgogne, Albert de Périgueux,
Samo, que la légende aujourd’hui divinise,
Garin, qui, se trouvant un beau jour à Venise,
Emporta sur son dos le lion de Saint-Marc,
Ernaut de Beauléande, Ogier de Danemark,
Roger enfin, grande âme au péril toujours prête.

Ils refusèrent tous.

 Alors, levant la tête,
Se dressant tout debout sur ses grands étriers,
Tirant sa large épée aux éclairs meurtriers,
Avec un âpre accent plein de sourdes huées,
Pâle, effrayant, pareil à l’aigle des nuées,
Terrassant du regard son camp épouvanté,
L’invincible empereur s’écria : « Lâcheté !
Ô comtes palatins tombés dans ces vallées,
Ô géants qu’on voyait debout dans les mêlées,
Devant qui Satan même aurait crié merci,
Olivier et Roland, que n’êtes-vous ici !
Si vous étiez vivants, vous prendriez Narbonne,
Paladins ! vous, du moins, votre épée était bonne,
Votre cœur était haut, vous ne marchandiez pas !
Vous alliez en avant sans compter tous vos pas !
Ô compagnons couchés dans la tombe profonde,
Si vous étiez vivants, nous prendrions le monde !
Grand Dieu ! que voulez-vous que je fasse à présent ?
Mes yeux cherchent en vain un brave au cœur puissant,
.
Et vont, tout effrayés de nos immenses tâches,
De ceux-là qui sont morts à ceux-ci qui sont lâches !
Je ne sais point comment on porte des affronts !
Je les jette à mes pieds, je n’en veux pas ! — Barons,
Vous qui m’avez suivi jusqu’à cette montagne,
Normands, Lorrains, marquis des marches d’Allemagne,
Poitevins, Bourguignons, gens du pays Pisan,
Bretons, Picards, Flamands, Français, allez-vous-en !
Guerriers, allez-vous-en d’auprès de ma personne,
Des camps où l’on entend mon noir clairon qui sonne,
Rentrez dans vos logis, allez-vous-en chez vous,
Allez-vous-en d’ici, car je vous chasse tous !
Je ne veux plus de vous ! Retournez chez vos femmes !
Allez vivre cachés, prudents, contents, infâmes !
C’est ainsi qu’on arrive à l’âge d’un aïeul.
Pour moi, j’assiégerai Narbonne à moi tout seul.
Je reste ici, rempli de joie et d’espérance !
Et, quand vous serez tous dans notre douce France,
Ô vainqueurs des Saxons et des Aragonais !
Quand vous vous chaufferez les pieds à vos chenets,
Tournant le dos aux jours de guerres et d’alarmes,
Si l’on vous dit, songeant à tous vos grands faits d’armes
Qui remplirent longtemps la terre de terreur :
« Mais où donc avez-vous quitté votre empereur ? »
Vous répondrez, baissant les yeux vers la muraille :
« Nous nous sommes enfuis le jour d’une bataille,
» Si vite et si tremblants et d’un pas si pressé
» Que nous ne savons plus où nous l’avons laissé ! »
Ainsi Charles de France appelé Charlemagne,
Exarque de Ravenne, empereur d’Allemagne,
Parlait dans la montagne avec sa grande voix ;
Et les pâtres lointains, épars au fond des bois,
Croyaient en l’entendant que c’était le tonnerre.

Les barons consternés fixaient leurs yeux à terre.
Soudain, comme chacun demeurait interdit,
Un jeune homme bien fait sortit des rangs, et dit :

« Que monsieur saint Denis garde le roi de France ! »

L’empereur fut surpris de ce ton d’assurance.

Il regarda celui qui s’avançait, et vit,
Comme le roi Saül lorsque apparut David,
Une espèce d’enfant au teint rose, aux mains blanches,
Que d’abord les soudards dont l’estoc bat les hanches
Prirent pour une fille habillée en garçon,
Doux, frêle, confiant, serein, sans écusson
Et sans panache, ayant, sous ses habits de serge,
L’air grave d’un gendarme et l’air froid d’une vierge.

« Toi, que veux-tu, dit Charle, et qu’est-ce qui t’émeut ?

— Je viens vous demander ce dont pas un ne veut :
L’honneur d’être, ô mon roi, si Dieu ne m’abandonne,
L’homme dont on dira : « C’est lui qui prit Narbonne. »

L’enfant parlait ainsi d’un air de loyauté,
Regardant tout le monde avec simplicité.

Le Gantois, dont le front se relevait très vite,
Se mit à rire et dit aux reîtres de sa suite :
« Hé ! c’est Aymerillot, le petit compagnon !

— Aymerillot, reprit le roi, dis-nous ton nom.

— Aymery. Je suis pauvre autant qu’un pauvre moine ;
J’ai vingt ans, je n’ai point de paille et point d’avoine,
Je sais lire en latin, et je suis bachelier.
Voilà tout, sire. Il plut au sort de m’oublier
Lorsqu’il distribua les fiefs héréditaires.
Deux liards couvriraient fort bien toutes mes terres,
Mais tout le grand ciel bleu n’emplirait pas mon cœur.
J’entrerai dans Narbonne et je serai vainqueur.
Après, je châtierai les railleurs, s’il en reste. »

Charles, plus rayonnant que l’archange céleste,
S’écria :

 « Tu seras, pour ce propos hautain,
Aymery de Narbonne et comte palatin,
Et l’on te parlera d’une façon civile.
Va, fils ! »

Le lendemain Aymery prit la ville.

mercredi 5 mars 2014

Foxtrot

Occident, 2014.
Il n'y a pas si longtemps, avant Internet, nous pouvions très bien vivre toute une vie en ne communiquant qu'avec notre entourage familial et / ou géographique relativement proche.
Aujourd'hui, ne pas avoir vent quotidiennement de ce que pensent des gens de l'autre côté de la planète ne parait plus concevable. Nous sommes tous reliés en permanence et ce indépendamment de notre volonté.

Je me rappelle d'ailleurs de mon sentiment lorsque, adolescente, très tôt après la généralisation de l'accès à Internet, il devint essentiel d'avoir une adresse mail pour gérer ses études.
Plus précisément, lorsque les envois de documents importants se firent par mail et non plus par courrier, je me rappelle avoir songé, interloquée : "mais c'est injuste ! comment vont faire les étudiants qui n'ont pas d'accès Internet ou, pire, pas d'ordinateur ?"
... mais cette évolution semblait tellement couler d'évidence au monde que je m'efforçais aussitôt d'effacer cette inquiétude saupoudrée de révolte de mon esprit.

Aujourd'hui, donc, nous communiquons à travers le monde en permanence. Nous avons à notre portée tous les points de vue du monde occidental et d'une partie du monde oriental (pays développés et émergents comme le Japon, Taïwan, etc).
Dès lors nous ne pouvons plus prétendre "ne pas savoir". Mais que savons nous de plus qu'avant ? Si ce n'est à quel point nous sommes tous dans cette même situation d'absence de maîtrise du cours des évènements qui déterminent notre existence ?
Avec le paradoxe mordant suivant :  alors même que nous sommes capables d'interagir avec des personnes vivant à des milliers de kilomètres, nous sommes toujours aussi impuissants face aux différents pouvoirs qui édictent les lois dans lequel notre monde vit.

Nous en sommes simplement plus conscients qu'avant... néanmoins, pas plus lucides.
Acceptance et adaptation sont les maîtres mots de notre époque. Plus encore (et je dois dire que c'est un tour de force), nous acceptons mieux notre condition maintenant que nous savons que les conditions sont pareilles dans le reste du monde avec lequel nous communiquons et que nous sommes sûrs qu'elles sont bien pires dans les endroits sans accès aux nouvelles technologies (et donc pour les gens avec lesquels nous ne communiquons pas).

D'autant que les capacités d'adaptation sont présentées comme une forme glorifiée d'intelligence.
Oui, mais encore faut-il savoir à quoi l'on s'adapte...

Sur quoi repose une société de consommation ? Elle place nécessairement en haut de la pyramide des valeurs l'idée de "plaisir immédiat". S'adapter signifie donc vivre en intégrant dans notre quotidien ce système de valeurs en donnant la priorité à cette idée de plaisir immédiat, ou ce qui est présenté comme tel, car peu importe si cela est "vrai" (vérité, notion qui se vide de sens au fur et à mesure que les années passent) ou non, puisque nous l'acceptons.
Cela nous amène automatiquement à faire en permanence des calculs à court terme pour juste satisfaire l'instant. Or, les calculs à court terme rentrent nécessairement en conflit avec les stratégies à long terme et donc avec une forme d'intelligence plus élevée que l'adaptation : la prise de recul et la réflexion.

Comment trouver ses repères dans de telles conditions ?
Résister semble vain, car résister comment ?
En tant que produits conscients de nos multiples limites, nous sommes ces limites. Nous ne pouvons pas les dépasser pour la simple raison qu'un être ne peut pas dépasser son propre être et nous sommes ce que le monde dans un premier temps et la société dans un second temps a fait de nous.
Nous sommes l'entropie, nous en sommes les dignes représentants autant que nous en sommes les esclaves.
Résister à cela signifierait résister à notre propre nature.

Cependant, les discours sur l'importance de l'indépendance et de la liberté pleuvent comme autant de mensonges parmi les mensonges partout dans les réseaux et médias en tout genre. Surtout, l'on voit et entend les discours sur la nécessité d'être forts, épanouis, séduisants. Ces discours sont omniprésents dans cette même société qui nous détruit à coup de calculs à court terme et de ce qui est présenté comme la satisfaction ou plaisir immédiat (pollution alimentaire régnant agressivement comme un Dieu omniprésent et aliénant, pollution de l'air pour pouvoir aller plus vite, encore et toujours, addictions en tout genre proposés pour "soulager nos maux" et même intégrées dans les paramètres d'intégration sociale - cigarettes, alcool, smartphones, antidépresseurs ... - sans parler des implications du monde du travail sur notre santé - mauvaise posture devant l'ordinateur, sédentarité, etc -).

Le résultat ? Une belle confusion générale qui fait danser nos psychés et nos corps chaque jour entre la vie et la mort.





lundi 3 mars 2014

It's a man's world

It's a man's world


Je ne suis pas féministe et ne l’ai jamais été, loin de là. Pour autant, plus j’avance dans la vie, plus il semble que cette question s’impose.
L’Homme avec un grand H ne perd jamais une occasion d’exalter son ego surdimensionné qui se veut encore supérieur à tout ce qui bouge ou ne bouge pas.. et pourtant, la guerre des sexes bat encore son plein. L’espèce humaine est incapable de comprendre et appréhender son voisin de la même espèce.

L’histoire et l’expérience montrent que les principaux leviers d’existence de l’être humain sont la force brute, le pouvoir - essentiellement lié à la possession de biens mais aussi à l’entourage, ou « standing » - et l’intelligence, malheureusement confondue de plus en plus souvent avec la culture ou, pire, l’accumulation du savoir.

Quel destin pour une femme ?  Sa condition la porte primitivement à attirer sexuellement un partenaire. Au mieux, elle peut espérer rester avec l’homme avec lequel elle aura fondé une famille jusqu’à 50 ans, au prix de tromperies avec des modèles plus jeunes et attrayants.

Bien sûr... la femme est aujourd’hui « libre », elle veut vire sa vie. Mais quelle vie ?

Faut-il alors ne pas avoir d’enfant, les élever seule ou bien les élever avec différents partenaires ? Rien n’est plus beau que l’indépendance et la liberté. Mais à quel prix ? Est-il seulement possible de vivre ainsi sans se ruiner la santé et l’esprit de questionnements et angoisses affectives en tout genre ?

Car la femme l’apprend bien trop tôt, son pouvoir de séduction diminue avec l’âge et si par malheur il lui prend l’envie de l’oublier, les hommes, provoqués par les féministes en tout genre, ainsi que le système qui nous inculque que nous sommes des produits de consommation, prend bien soin de lui rappeler quotidiennement, agressivement, à chaque instant.

Quelle alternative alors ? Je ne parlerai pas de la caricature de la femme objet adaptée jusqu’au bout aux exigences du système, celle qui cherche à plaire et à revendiquer à coup de cigarettes, de chirurgie et d’anti dépresseurs. Trop cliché.

Lorsqu’une femme naît dans le schéma d’une famille très aisée et unie et qu’en plus, son standing est élevé, les enjeux sont bien moindres. L’indépendance coule de source et elle peut, si elle veut, se permettre de faire régner sa loi grâce à l’omnipotence de l’argent et de sa position. Regardez Match point…
Les vieilles traditions qui confortent les « filles de bonne famille » ont la vie dure aujourd’hui, en France, au détriment de femmes peut être plus généreuses mais jugées plus « instables » car moins confortées dans leur aisance depuis leur naissance. Pour peu que ces autres femmes soient d’origine étrangère, la lutte est plus difficile que jamais.

Que reste-t-il aux autres ? La beauté, comme la jeunesse, est un atout de taille mais ne dure pas et puis l’on voit bien que ce ne sont pas les belles femmes qui manquent (d'où les antidépresseurs... qui supporte facilement de ne pas se sentir unique ou, pire, de se sentir "périmée" ?).

L’appartenance à une communauté se présente comme une planche de salut pour trouver ses repères et des gens « qui partagent les mêmes valeurs »…

Embrasser une carrière scientifique et de cette manière aborder la vie d’un point de vue rationnel semble l’un des meilleurs moyens de vivre cette indépendance. Ici, plus de place pour les chimères de la femme objet, on existe différemment, scientifiquement.


Sinon… mes amies, eh bien il nous reste l’art, pour rêver, et la danse, pour nous évader.