mercredi 5 mars 2014

Foxtrot

Occident, 2014.
Il n'y a pas si longtemps, avant Internet, nous pouvions très bien vivre toute une vie en ne communiquant qu'avec notre entourage familial et / ou géographique relativement proche.
Aujourd'hui, ne pas avoir vent quotidiennement de ce que pensent des gens de l'autre côté de la planète ne parait plus concevable. Nous sommes tous reliés en permanence et ce indépendamment de notre volonté.

Je me rappelle d'ailleurs de mon sentiment lorsque, adolescente, très tôt après la généralisation de l'accès à Internet, il devint essentiel d'avoir une adresse mail pour gérer ses études.
Plus précisément, lorsque les envois de documents importants se firent par mail et non plus par courrier, je me rappelle avoir songé, interloquée : "mais c'est injuste ! comment vont faire les étudiants qui n'ont pas d'accès Internet ou, pire, pas d'ordinateur ?"
... mais cette évolution semblait tellement couler d'évidence au monde que je m'efforçais aussitôt d'effacer cette inquiétude saupoudrée de révolte de mon esprit.

Aujourd'hui, donc, nous communiquons à travers le monde en permanence. Nous avons à notre portée tous les points de vue du monde occidental et d'une partie du monde oriental (pays développés et émergents comme le Japon, Taïwan, etc).
Dès lors nous ne pouvons plus prétendre "ne pas savoir". Mais que savons nous de plus qu'avant ? Si ce n'est à quel point nous sommes tous dans cette même situation d'absence de maîtrise du cours des évènements qui déterminent notre existence ?
Avec le paradoxe mordant suivant :  alors même que nous sommes capables d'interagir avec des personnes vivant à des milliers de kilomètres, nous sommes toujours aussi impuissants face aux différents pouvoirs qui édictent les lois dans lequel notre monde vit.

Nous en sommes simplement plus conscients qu'avant... néanmoins, pas plus lucides.
Acceptance et adaptation sont les maîtres mots de notre époque. Plus encore (et je dois dire que c'est un tour de force), nous acceptons mieux notre condition maintenant que nous savons que les conditions sont pareilles dans le reste du monde avec lequel nous communiquons et que nous sommes sûrs qu'elles sont bien pires dans les endroits sans accès aux nouvelles technologies (et donc pour les gens avec lesquels nous ne communiquons pas).

D'autant que les capacités d'adaptation sont présentées comme une forme glorifiée d'intelligence.
Oui, mais encore faut-il savoir à quoi l'on s'adapte...

Sur quoi repose une société de consommation ? Elle place nécessairement en haut de la pyramide des valeurs l'idée de "plaisir immédiat". S'adapter signifie donc vivre en intégrant dans notre quotidien ce système de valeurs en donnant la priorité à cette idée de plaisir immédiat, ou ce qui est présenté comme tel, car peu importe si cela est "vrai" (vérité, notion qui se vide de sens au fur et à mesure que les années passent) ou non, puisque nous l'acceptons.
Cela nous amène automatiquement à faire en permanence des calculs à court terme pour juste satisfaire l'instant. Or, les calculs à court terme rentrent nécessairement en conflit avec les stratégies à long terme et donc avec une forme d'intelligence plus élevée que l'adaptation : la prise de recul et la réflexion.

Comment trouver ses repères dans de telles conditions ?
Résister semble vain, car résister comment ?
En tant que produits conscients de nos multiples limites, nous sommes ces limites. Nous ne pouvons pas les dépasser pour la simple raison qu'un être ne peut pas dépasser son propre être et nous sommes ce que le monde dans un premier temps et la société dans un second temps a fait de nous.
Nous sommes l'entropie, nous en sommes les dignes représentants autant que nous en sommes les esclaves.
Résister à cela signifierait résister à notre propre nature.

Cependant, les discours sur l'importance de l'indépendance et de la liberté pleuvent comme autant de mensonges parmi les mensonges partout dans les réseaux et médias en tout genre. Surtout, l'on voit et entend les discours sur la nécessité d'être forts, épanouis, séduisants. Ces discours sont omniprésents dans cette même société qui nous détruit à coup de calculs à court terme et de ce qui est présenté comme la satisfaction ou plaisir immédiat (pollution alimentaire régnant agressivement comme un Dieu omniprésent et aliénant, pollution de l'air pour pouvoir aller plus vite, encore et toujours, addictions en tout genre proposés pour "soulager nos maux" et même intégrées dans les paramètres d'intégration sociale - cigarettes, alcool, smartphones, antidépresseurs ... - sans parler des implications du monde du travail sur notre santé - mauvaise posture devant l'ordinateur, sédentarité, etc -).

Le résultat ? Une belle confusion générale qui fait danser nos psychés et nos corps chaque jour entre la vie et la mort.





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